La gratitude : levier de motivation source d'optimisme, de santé et de… bonheur.


Il est toujours difficile de parler de la gratitude comme levier de motivation intrinsèque tellement il est facile à caricaturer. « Vous n’allez pas me dire qu’il suffit de dire merci pour changer l’entreprise ». Certes non ! Mais… il y a des « mercis » dont on se souvient, qui marquent, qui servent de réservoir où l’on va régulièrement puiser la confiance en l’Humain. La gratitude, à l’image des retours positifs, a aussi de nombreux intérêts que ce soit en termes de réussite ou de bien-être.

 

Une histoire de médecine humanitaire…

Lorsque, jeune médecin, j’ai effectué des missions humanitaires, j’ai eu la chance de recevoir de très beaux « mercis ». L’un de ceux-ci se passe en brousse, au Burkina Faso. Un jour d’activité intense, un homme âgé demande à de jeunes collègues à me parler. Très occupé à perfuser un jeune enfant, lorsque j’apprends son souhait, je décide – un peu bougon il faut bien l’admettre – de remettre la rencontre à plus tard. Lorsque je vais dîner vers 21 heures, il fait nuit et on me rappelle que le « vieux monsieur » est toujours là. Aidé d’une lampe de poche, je vais à sa rencontre, saturé, épuisé et certainement peu affable. L’homme paraît être âgé d’environ 75 ans, il marche très difficilement avec un bâton en guise de canne et m’explique qu’il a fait 17 kilomètres à pied en deux jours pour venir me voir, qu’il dort sur le sol avec juste sa couverture en guise de lit, qu’il repartira le lendemain pour arriver dans son village le surlendemain… Il avait l’air tellement épuisé que j’avais vraiment honte de ne pas l’avoir vu dès son arrivée. J’essaye de bredouiller quelques mots d’excuses relatifs à l’attente que je lui ai imposée. Il me sourit et me remercie encore plus d’avoir accepté de lui parler.

Il m’explique alors que la jeune fille qui avait été traitée pour une infection du genou le mois précédent est… sa petite fille ! Je l’interroge alors certainement un peu brutalement sur la santé de celle-ci. « Elle va mieux, me dit-il. Elle marche de nouveau, mais je ne suis pas venu pour vous donner des nouvelles, je ne me le serais pas permis, je suis juste venu pour vous dire… merci ! » Eh bien, oui, il y a des « mercis » dont on se souvient toute une vie…

La gratitude, pourvoyeuse d’émotions positives, a de nombreux intérêts…

La gratitude, qui peut se définir comme un sentiment de reconnaissance envers une personne qui nous a, par exemple, rendu service est aussi un moyen efficace pour augmenter l’optimisme et... le bonheur ! La chercheuse française, Rébecca Shankland, est très explicite. Elle explique que les individus faisant régulièrement preuve de reconnaissance sont « plus heureux, plus énergiques, plus optimistes… ». Elle donne en outre une explication qui tient en trois éléments :

  • Une meilleure mémorisation des événements positifs liée au fait que plus on focalise la pensée sur les événements les plus positifs, plus on renforce leur intensité et leur mémorisation ;
  • Une amélioration de notre estime personnelle et de notre sociabilité qui résulte de la prise de conscience des attentions bienveillantes à notre égard, dont l’effet est d’améliorer naturellement notre estime de soi et notre humeur. Et le fait de se sentir considéré et remercié, pousse à aller vers les autres ;
  • Une plus grande capacité à faire face aux difficultés ! Certaines recherches conduites auprès de sujets ayant vécu les événements du 11 septembre 2001, montrent que ceux qui éprouvent régulièrement de la gratitude, savent mieux faire face aux événements angoissants et/ou traumatisants. En effet, les émotions positives qui sont liées au sentiment de reconnaissance, améliorent notre adaptation aux situations difficiles.

Le chercheur Robert Emmons, résume fort bien tout l’intérêt de la gratitude lorsqu’il explique que celle-ci

« aide une personne à diriger son attention vers les choses heureuses de sa vie et à la détourner de ce qui lui manque ».

 

Et la gratitude, ça se cultive !

 

Au regard de ces travaux qui montrent l’impact positif de la gratitude, il devient, sur un plan plus opérationnel, éminemment intéressant de voir comment cultiver la gratitude. Quelques techniques simples peuvent être utilisées.

 

Tenir un journal de gratitude

Cette pratique, considérée comme l’une des plus efficaces, consiste à consigner par écrit les événements de la journée suscitant un sentiment de gratitude. Attention, penser simplement à ces situations ne suffit pas. Tout l’intérêt de la méthode réside dans la mise en mots, de la pensée. En effet, écrire permet de rendre plus concrets les bienfaits dans notre esprit et ainsi de mieux s’en imprégner. En revanche, si une pratique quotidienne est trop contraignante – plutôt qu’abandonner – un autre rythme peut être librement choisi. On pourra par exemple s’astreindre à l’exercice hebdomadaire de lister cinq éléments positifs.

Pour les plus pessimistes, les débuts peuvent être décourageants. Il n’est pas toujours facile de mettre à jour quotidiennement plusieurs sources de reconnaissance. En revanche, il faut retenir que la formule présentée fonctionne parfaitement avec un minimum de persévérance. Plus on prend conscience des événements positifs et plus il devient facile de les repérer !

 

Se poser trois questions

Ce questionnement peut aider à la rédaction du journal de gratitude. Il résulte d’une méthode d’introspection, appelée Naïkan, étudiée scientifiquement, depuis les années 1970. Elle invite à s’interroger sur  trois points :

  • Qu’ai-je   reçu des   autres ?
  • Qu’ai-je   offert aux autres ?
  • Quels ennuis et difficultés ai-je causés ?

La première question permet de découvrir tous les bienfaits reçus. La deuxième aide à réfléchir aux moyens employés pour exprimer sa gratitude envers les autres, ce qui peut constituer une bonne occasion de découvrir de nouvelles manières d’exprimer sa gratitude ! La troisième question aide à se mettre à la place de l’autre.

 

Se servir de mémos visuels

Les deux principaux obstacles à la manifestation de la gratitude sont l’inattention et l’oubli. Il convient donc d’imaginer des petits procédés simples permettant de pallier ces tendances naturelles. Un post-it peut très bien faire l’affaire. Il permet au manager, de manière simple, de témoigner sa gratitude à l’égard d’un collaborateur pour son implication ou sa contribution à un dossier. Très souvent, ce dernier le conservera et, à chaque fois qu’il le verra, se remémorera l’attention qui lui a été témoignée et fera ainsi perdurer les émotions positives.

C’est le moment de commencer !

Globalement, avec l’été et les vacances, il est plus facile de commencer à exprimer d’avantage sa gratitude. Or, si l’on en prend l’habitude durant l’été, à la rentrée, il sera alors possible de poursuivre l’effort.

 

A propos de l’auteur :

Docteur Philippe Rodet

Consultant, auteur de "Se libérer du stress : un médecin urgentiste raconte" aux éditions Eyrolles, Philippe Rodet s’intéresse à l’interaction entre la motivation et le stress depuis une vingtaine d’année. Selon lui, le plaisir inhérent à la motivation annihile une grande partie des effets toxiques du stress, ainsi la motivation permet d’allier performance et santé. Il a consacré deux autres ouvrages à cette approche : « /L’ardeur nouvelle/ » en 1998 et « Le stress : nouvelles voies » en 2007 (Editions de Fallois). En 2006, il fait émerger le blog stress-info. En 2007, il contribue à fonder la Commission nationale sur le stress de l’ANDRH (Association Nationale des Directeurs de Ressources Humaines). En 2008, il participe à la création de la Commission nationale sur le stress du CJD (Centre des Jeunes Dirigeants). En 2009, il intègre « le Cercle de l’Humain » de « L’Expansion ».

 

Par Philippe Rodet. Publié le 08/07/2013