Le sport au travail pour doper l'efficacité de l'entreprise
Le sport, c'est la santé ! Certains employeurs l'ont compris. Chez Microsoft, les salariés bénéficient d'une salle de gymnastique intra-muros. Total, lui, procure à ses équipes des piscines. Tandis que la société Emailvision coache, chaque année, une poignée de collaborateurs volontaires pour gravir des sommets. Et pour cause ! Aux yeux des autorités sanitaires, la pratique sportive, vecteur de bien-être, est plus que jamais considérée comme un outil efficace de lutte contre des pathologies qui n'épargnent plus le monde du travail : stress, troubles musculo-squelettiques, cancers... Déjà en 2008, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) insistait sur le rôle des employeurs, en matière de prévention de maladies, notamment par l'exercice physique. L'OMS préconisait même de glisser des messages sur les bienfaits du sport dans les enveloppes des fiches de paie !
En France, l'obligation, pour l'employeur, de veiller à la santé des salariés est inscrite dans le Code du travail. Mais, côté sportif, le chemin reste long. Si 48 % des Français pratiquent un sport au moins une fois par semaine, seuls 13 % le font sur leur lieu de travail. Pis ! « L'activité physique de l'individu se réduit dès lors que celui-ci entre dans la vie professionnelle », souligne Vincent Chriqui, directeur général du Centre d'analyse stratégique (CAS), qui dévoile aujourd'hui une étude sur les enjeux de la pratique sportive au travail. « Par cette note, nous souhaitons montrer aux entreprises qu'elles se rendent service en développant des initiatives pour leurs salariés », poursuit-il. Car ce qui est bon pour la santé du salarié se révèle bénéfique pour la performance de l'entreprise. En Grande-Bretagne, l'absentéisme aurait reculé de 30 à 40 % chez les employeurs ayant mis en place des politiques de santé pour leurs troupes, incluant l'exercice physique régulier. Le turnover s'en trouve même réduit de 25 %. Autre effet positif : l'augmentation de la productivité individuelle et collective des collaborateurs. « Logique, puisqu'il est acté que le bien-être des employés est un vecteur de motivation, et donc d'efficacité », observe Marie-Cécile Naves, auteure de la note. En outre, selon une enquête de Malakoff-Médéric auprès de 3.500 collaborateurs, ces derniers sont demandeurs : 60 % des sondés souhaitent que l'entreprise leur propose de faire plus d'exercice.
Trois écueils
Néanmoins, vouloir associer santé, sport et lieu de travail se heurte à trois écueils. D'une part, l'incitation à pratiquer une activité physique dans le cadre professionnel peut être perçue comme la prise en charge par l'employeur (plutôt que par le CE ou les employés eux-mêmes) d'éléments relevant de la vie privée. Jusqu'où l'entreprise doit-elle aller ? D'autre part, cela peut creuser le fossé entre les salariés de grands groupes et ceux de PME plus démunies, tant financièrement qu'en infrastructures. Enfin, favoriser le sport sur place suppose de repenser l'organisation du travail, instaurant notamment une certaine souplesse horaire.
Des solutions existent. En Normandie, les trois pépinières d'entreprises de Caen-la-Mer ont mutualisé une offre sportive. Sous l'impulsion de Synergia, un service de coaching hebdomadaire est accessible aux volontaires de 50 TPE. « J'avais arrêté le sport quand j'ai monté ma boîte, avoue un entrepreneur. J'ai repris grâce à ce dispositif "clefs en main" : je m'inscris le lundi, en ligne, éventuellement je commande la formule repas composée d'un sandwich, d'une bouteille d'eau et d'un fruit, et je vais courir le lendemain, de midi à 13 h 30, avec un coach et 15 à 20 participants de tous niveaux. » Lancé, il y a trois ans, ce rendez-vous sportif gratuit est plébiscité : « Ce moment de break est également l'occasion de se rencontrer et d'échanger », souligne Nicolas Geray, directeur des pépinières.
Dans le Nord, Toyota va plus loin. Dans son usine d'Onnaing, le constructeur propose aux nouveaux venus une remise en forme sur mesure selon leur poste de travail. « Avec un professeur d'activités physiques adaptées, les nouveaux opérateurs travaillant sur ligne de fabrication sont préparés à la tenue de leur poste », indique François-Régis Cuminal, porte-parole de Toyota. Par ailleurs, sur proposition du médecin du travail, une école du dos permet, sur place, de prévenir la récurrence des douleurs lombaires. Outre un professeur de sport, le site emploie deux médecins, un masseur-kinésithérapeute et deux ergonomes.
Les initiatives sont variées. Du Medef à PepsiCo, Esprit, Velux ou E.Leclerc, nombre d'employeurs sont adeptes du programme « Bewizz », imaginé par l'agence Alizeum. Au menu : des sessions sportives mais aussi des conseils sur l'alimentation, les postures de travail ou le sommeil, à l'heure où 50 % des salariés estiment ne pas dormir assez, selon Malakoff-Médéric. Pour le directeur d'Alizeum, Benoît Eycken, ancien entraîneur fédéral de ski acrobatique : « Le manager du troisième millénaire doit prendre conscience que la richesse de son entreprise, ce sont les hommes et les femmes qui la composent. Il doit donc oeuvrer à leur bien-être. » Dans sa note, le CAS propose plusieurs pistes pour fédérer les entreprises en ce sens.
Pour une charte « sport pour tous »
Le CAS fait trois propositions :
- La création d'une charte « sport pour tous », calquée sur la charte de la diversité et selon laquelle les entreprises et administrations signataires s'engagent notamment à
faciliter la pratique sportive en aménageant les horaires de travail.
- L'intégration dans les formations aux ressources humaines de modules sur l'amélioration de la santé et du bien-être des salariés par l'activité physique.
- La mise en place d'un cadre de pratique sportive spécifique pour les salariés seniors sur le lieu de travail (dans le cadre des obligations liées au dialogue social sur
l'emploi des seniors).